Sur les plans culturel, gastronomique et architectural, Winnipeg est en plein essor, tout en gardant un pied dans la marge.
Par Karen Burshtein
Les charmes de Winnipeg ne sautent pas nécessairement aux yeux en descendant de l’avion. Mais en grattant la surface, on découvre une ville de l’Ouest qui a assurément un je-ne-sais-quoi, doublé d’un côté singulier. On pourrait la qualifier d’excentrique. C’est une ville accueillante, les plaques d’immatriculation le disent. Mais sa fibre artistique est finement tissée. Les Winnipégois adorent manger; ils sont tellement fiers de leur scène culinaire qu’ils prétendent même que seule New York a plus de restaurants par habitant en Amérique du Nord. Winnipeg est actuellement en plein âge d’or, avec la renaissance du centre-ville et l’arrivée d’institutions culturelles qui reçoivent beaucoup d’attention médiatique.
Le pot-pourri culturel de Winnipeg permet de manger autour du monde. En plongeant assez profondément dans chaque quartier, vous pouvez goûter un pho d’exception chez Pho Kim Tuong, des tacos ultra-authentiques chez BMC Market, du porc effiloché sur un riz croustillant chez Golden Loong ou une pizza à la napolitaine chez Pizzeria Gusto. Pour les gourmets, Enoteca sert des petits plats novateurs et ERA donne dans la cuisine nouvelle manitobaine – tous ces endroits sont à se jeter par terre, selon les amateurs de gastronomie en visite. On ne saurait passer sous silence The Merchant, au rez-de-chaussée de l’Hôtel Alt Winnipeg, qui offre une cuisine fusion d’inspiration latine et asiatique, inspirée de la cuisine de rue, en format idéal à partager entre amis. Installé dans un manoir converti, 529 Wellington est le lieu de rendez-vous des carnivores convaincus. Mais il y a aussi des mets qu’on ne trouve qu’à Winnipeg, dont le Schmoo Torte (une douceur noyée dans un onctueux caramel) de Baked Expectations, le Goog Special du bar laitier vintage Bridge Drive-In (BDI), ou le Nip (hamburger) du légendaire Salisbury House qui, en passant, appartient en partie à un éminent Winnipégois, Burton Cummings, de The Guess Who.
Mais pourquoi est-on si créatif à Winnipeg? Compte tenu de sa population plutôt limitée (700 000 âmes), Winnipeg est un concentré de culture. Qu’ils soient conventionnels ou marginaux, ses créateurs et ses institutions sont reconnus et salués partout dans le monde. Mais qu’est-ce qu’il y a dans l’eau? La réponse se trouve plutôt dans la neige. Les hivers très longs et l’isolement géographique de Winnipeg ont contribué à former une communauté très créative. Guy Maddin, Marcel Dzama et Sarah Anne Johnson rendent tous un hommage surréaliste ou insolite à leur ville. Le milieu artistique de Winnipeg a même été célébré à Paris dans une exposition à succès intitulée My Winnipeg. Le Plug In Institute of Contemporary Art et The Actual Gallery sont les endroits à visiter pour voir le travail des artistes locaux de l’heure, comme Michael Dumontier et Neil Farber, en nomination ensemble pour un prix Sobey 2014. La Winnipeg Art Gallery, principal centre des arts de la ville, s’affranchit de sa réputation de collet monté en présentant des expositions grand public. Ne manquez pas Adaptations à l’Arctique : Nunavut à 15, la proposition officielle du Canada en 2014 à la Biennale de Venise en architecture, qui a reçu une mention spéciale. Port d’attache de Royal Canoe et du trio acoustique French Press, Winnipeg abrite une scène musicale indépendante parmi les plus intéressantes au Canada.
L’histoire de Winnipeg, qui s’étale sur 142 ans, a connu 3 vagues architecturales. Au tournant du XXe siècle, époque où la ville était la « Chicago du Nord », des édifices de style Chicago ou Beaux-Arts se sont dressés dans le quartier aujourd’hui appelé Exchange District. Par bonheur, ils sont encore intacts et hébergent des galeries, des boutiques indépendantes, des restaurants et des bars. L’école d’architecture de l’Université du Manitoba a été la première au Canada à offrir un programme professionnel de maîtrise en design d’intérieur. Elle a engendré toute une vague de modernistes qui ont contribué à leur manière à l’héritage architectural, notamment avec l’édifice de l’hôtel de ville, le Centennial Concert Hall et l’église du Précieux Sang, dans le quartier francophone de Saint-Boniface.
De nos jours, la ville connaît un renouveau architectural. Le Musée canadien pour les droits de la personne, inauguré l’automne dernier par l’architecte Antoine Predock, avec son magnifique escalier d’albâtre et son jardin de contemplation en pierre de basalte, est le théâtre de questionnements et de discussions exploratoires sur les droits de la personne. L’Inuit Art Centre de l’architecte Michael Maltzan s’ajoutera bientôt à la Winnipeg Art Gallery. Le Cube, dans Exchange District, est l’endroit idéal pour écouter de la musique pendant le festival de jazz. Les amateurs d’architecture aimeront Avenue Building, Hydro Place et le complexe Red River sur Princess Street – tous d’excellents exemples d’une architecture durable et bien conçue qui s’intègre parfaitement dans son environnement.